La taille et la portée de l'industrie des crypto-monnaies ont considérablement augmenté. La croissance des utilisateurs de crypto depuis 2014 continue de suivre la trajectoire de l'adoption d'internet dans les années 1990.
Selon Triple A’ Research, une entreprise de paiements d’actifs numériques basée à Singapour, le taux de possession de crypto au niveau mondial s’élevaient à une moyenne de 4,2% cette année, ce qui se traduit par plus de 320 millions d’utilisateurs d’actifs numériques dans le monde, les États-Unis étant en pole position avec 46 millions d’utilisateurs.
Malgré les fluctuations de prix et les “bear markets”, la capitalisation totale du marché des crypto-monnaies et son volume de transactions ont augmenté au cours de la dernière décennie. Ces indices démontrent que les marchés baissiers n’étouffent pas l’adoption des crypto-monnaies mais les consolident.
Un autre indicateur intéressant concerne l’augmentation du nombre d’utilisateurs mondiaux de portefeuilles blockchain de 2011 à 2022, comme le montre la figure 1. On peut observer que les utilisateurs de blockchain étaient moins d’un million entre 2011 et 2013, mais qu’ils ont augmenté de façon linéaire pour atteindre 80 millions en février 2022.
Si l’utilisation des crypto-monnaies est manifestement en hausse, qu’en est-il au niveau de l’adoption des acteurs de la finance traditionnelle?
Suite au “bull market” des cryptos en 2021, les investisseurs institutionnels se familiarise de plus en plus avec cette nouvelle classe d’actif. L’adoption institutionnelle de tout actif négociable est un processus progressif qui s’accompagne de la maturation et de l’évolution de l’actif en question. Les crypto-monnaies ne sont pas différentes.
Les crypto-monnaies existent depuis plus d’une décennie maintenant. Comme dans d’autres secteurs, les instruments financiers décentralisés de type DeFi ont commencé par s’adresser aux consommateurs individuels, mais leur popularité et leur utilisation croissantes n’ont pas laissé d’autre choix aux grandes institutions que de commencer à définir leurs stratégies pour intégrer les crypto-monnaies dans leurs modèles économiques.
Le résultat est que les investisseurs institutionnels tels que les hedge funds et les fonds de pension sont de plus en plus à l’aise avec les cryptos.
Le “Global Crypto hedge fund Report 2022” publié par PWC a révélé que plus d’un tiers des fonds spéculatifs traditionnels investissent désormais dans les crypto-monnaies. Pantera Capital, fondé par Dan Morehead en 2003 a lancé le premier crypto fund en 2013. Récemment, Braven Howard, gestionnaire d’actifs mondial avec 25 milliards de dollars d’actifs sous gestion a terminé le plus grand lancement de fonds de crypto-monnaie avec une levé de plus d’un milliard de dollars auprès d’investisseurs institutionnels.
Selon la dernière enquête de Fidelity Digital Assets, une majorité d’investisseurs institutionnels s’intéressent aux actifs numériques : près de 8 institutions sur 10 interrogées ont répondu que les cryptos et actifs numériques « ont une place dans un portefeuille”.
Un rapport de EY mentionne que près d’un quart des gestionnaires de fonds prévoient d’augmenter leur exposition aux actifs liés aux crypto-monnaies au cours des deux prochaines années, tandis que rien qu’en 2021, les flux institutionnels entrants sur les marchés des crypto-monnaies avaient atteint le chiffre record de 9,3 milliards de dollars, soit une augmentation de 36 % par rapport à 2020.
JP Morgan Chase, Morgan Stanley, Deutsche Bank et Goldman Sachs ont ouvert l’espace Bitcoin à leurs clients. Goldman Sachs a récemment annoncé qu’elle propose désormais son tout premier prêt adossé à des Bitcoins, dans le cadre d’une expansion significative de son empreinte cryptographique. Fidelity a déclaré le mois suivant qu’elle permettrait aux épargnants d’allouer une partie de leur épargne-retraite au Bitcoin par le biais de la gamme d’investissements du plan 401(k) de la société.
Enfin, le saut de BlackRock dans la crypto-monnaie est un signe fort que les institutions regardent au-delà de la volatilité du marché. En effet, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde a déclaré qu’il s’était associé à Coinbase pour offrir un accès aux crypto-monnaies à ses clients institutionnels.
Blackrock et Fidelity gèrent à eux seuls plus de 12 000 milliards de dollars d’actifs. Si l’on sait que la capitalisation boursière du Bitcoin est inférieure à 400 milliards de dollars, l’adoption n’en est qu’à ses débuts.
Ces différents investissements réalisés par un grand nombre d’acteurs financiers importants au cours des 12 derniers mois qui sont relatifs à la mise en place d’infrastructures pour le bitcoin et les crypto-monnaies sont une autre indication des attentes concernant l’adoption des actifs crypto par les institutions sur le long terme.
Comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous, une part croissante et significative d’investisseurs institutionnels moins contraints, tels que les Family Offices, ont déjà commencé à allouer une petite partie de leurs actifs à une exposition pure et simple aux crypto-monnaies.
Créer un environnement propice à la croissance des crypto-monnaies
Les crypto-monnaies gagnent clairement du terrain au niveau institutionnel, mais cela ne veut pas dire que l’adoption est généralisée. La réglementation, la confiance et l’infrastructure restent une barrière principale à l’entrée pour de nombreuses institutions qui cherchent à développer leurs offres crypto. La mise en place d’une réglementations de cette classe d’actif est une étape essentielle pour y parvenir.
Avoir accès à des échanges conformes, sécurisés et fournissant des évaluations de prix claires et en temps réel sera vital pour relever ces défis opérationnels, en fournissant aux institutions la boîte à outils dont elles ont besoin pour tirer parti et intégrer la crypto dans leurs services.
Cependant, les institutions ont besoin d’une infrastructure de haut niveau avant de se lancer. Les services de comptabilité sont l’une des pièces les plus essentielles de l’infrastructure financière. Les dépositaires de crypto-monnaies (custody) sont également essentiel pour une adoption massive par les institutions. Mais l’une des pièces les plus cruciales de l’infrastructure financière est d’avoir des règles bien conçues et des règles du jeu équitables pour tous les participants.
Un autre élément rendant les investisseurs institutionnels réticent concerne la facture carbone de la technologie blockchain et son traitement comme un actif ne remplissant pas les critères ESG.
Cette semaine, la plus importante mise à jour d’Ethereum (ETH) depuis son lancement en 2015 marquera l’arrivée d’ETH 2.0. “The Merge” devrait avoir lieu selon les estimations le 15 septembre ou plus précisément quand la Total Terminal Difficulty (TTD) atteindra 58750000000000000000000. *
Concrètement Ethereum devrait passer du mécanisme de consensus Proof-of-Work (PoW) au mécanisme de consensus Proof-of-Stake (PoS) qui est beaucoup moins énergivore. Ceci devra permettre à la blockchain de réduire sa consommation énergétique de plus de 99%. L’éther post-fusion pourrait donc figurer en bonne place dans les futures allocations de portefeuilles.
La transition pourrait rendre l’éther plus acceptable pour les investisseurs soucieux du climat qui ont évité les crypto-monnaies jusqu’à maintenant. Les fonds de pensions et autres gérants d’actifs font face à des pressions externes, tant de la part des régulateurs, qui incitent le secteur à adopter davantage de mesures de durabilité, que de la part des investisseurs, qui exigent des investissements plus durables.
Quelles sont les prochaines étapes?
L’adoption des crypto-monnaies par la communauté institutionnelle renforcera sans aucun doute le développement des crypto-monnaies, les institutions cherchant à développer des produits décentralisés pour leur propre base d’investisseurs. Ce processus est déjà en cours, avec un nombre croissant d’institutions permettant à leurs clients de négocier, staker, emprunter et prêter contre leurs actifs numériques.
Les crypto-monnaies, principalement le Bitcoin et l’Ethereum, émergent comme une nouvelle classe d’actifs. Cependant, nous n’en sommes encore qu’au début.
Les investisseurs institutionnels disposent de capitaux inimaginables, et s’ils allouaient ne serait-ce qu’une fraction de leurs avoirs aux monnaies numériques, nous pourrions assister à une hausse de prix significative.
Un rapide calcul montre que si les fonds de pension américains allouaient 1% de leurs actifs totaux au bitcoin, cela représenterait 60% de la capitalisation totale du marché du bitcoin.
En conclusion, mieux vaut s’y préparer!
*La TTD correspond à un la difficulté du dernier bloc miné en Proof of Work (PoW) et le bloc suivant produit via la Proof of Stake (PoS). Sur les blockchains on ne compte pas en jours et en heures mais en blocs, c’est pour ça qu’il n’y a pas de date précise de l’heure du merge de Ethereum, mais un nombre de blocs. Une fois le bloc avec la TTD atteint, la migration se fera.
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